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La vérité sur l’autofiction – et pourquoi il pourrait bien s’agir de votre prochain genre littéraire préféré

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Née en France dans les années 1970 avant de s’étendre au monde entier, l’autofiction combine mémoires et récit romancé. Le résultat est une œuvre qui peut être aussi libératoire pour les auteurs que captivante pour les lecteurs.

Commençons par nous débarrasser d’une vérité un peu gênante : l’autofiction peut être un peu difficile à aborder. D’abord, elle a divisé la communauté littéraire : certains y voient un genre totalement inutile (Brooke Warner, coach en écriture, a écrit dans Publishers Weekly l’année dernière que ce genre ne représente rien dans le secteur), d’autres la trouvent fascinante. Elle est également difficile à définir.  

En fait, les définitions varient tellement que l’auteur Walker Caplan, collaborant au très respecté site Web littéraire LitHub, a récemment écrit un article intitulé « 10 nouvelles définitions de l’autofiction » teinté d’une pointe d’ironie. Il affirme ainsi « Cars est une autofiction, car la plupart des événements sont réellement arrivés à Owen Wilson ». 

Pour une définition plus sérieuse de l’autofiction, on se tournera plutôt vers les écrits de Serge Doubrovsky, inventeur de ce terme en 1977, pour essayer d’expliquer la pensée qui sous-tendait son roman Fils. Päivi Koivisto, chercheuse en littérature et directrice de la publication pour la maison d’édition finlandaise Teos, fait partie des nombreuses personnes qui souscrivent d’une façon générale à l’interprétation de Doubrovsky. 

« Aujourd’hui, la plupart des journalistes écrivant sur l’autofiction pensent que le terme désigne tout roman comportant une part de vie de l’auteur, et qu’il s’agit en fait d’un roman autobiographique, » explique-t-elle. « Toutefois, en tant que chercheuse en littérature, je pense que c’est un peu plus compliqué que cela. » 

La définition de Doubrovsky, explique-t-elle, suggère que plusieurs critères doivent être réunis pour qu’une œuvre puisse être classée dans le genre de l’autofiction : 

1° L’auteur et le protagoniste / le narrateur doivent avoir le même nom. Lorsque l’auteur utilise « je » plutôt qu’un nom, certains critiques littéraires acceptent que l’œuvre soit considérée comme une autofiction si l’auteur peut être identifié comme étant le narrateur par des allusions insérées dans le texte. 

2° L’auteur doit réellement avoir vécu l’histoire racontée dans le livre. 

Le numéro 2 soulève, bien sûr, une question évidente : si l’auteur a vécu cette histoire, pourquoi l’œuvre est-elle vendue comme un roman ? La réponse, selon Päivi Koivisto, c’est qu’on admet généralement qu’une autofiction contient de nombreux éléments qui ne sont pas réels. Par exemple, il est impossible que citer des dialogues authentiques du passé, ce qui incite les auteurs à faire appel à la fois à leur mémoire et à leur imagination. 

De plus, les romans d’autofiction contiennent d’autres éléments qui ne figurent généralement pas dans une autobiographie. 

« Le premier est la langue, » note Päivi Koivisto. « Selon Doubrovsky, les auteurs d’autofiction doivent employer un style lyrique, utiliser des métaphores et d’autres techniques – Ils doivent en somme utiliser la langue comme un outil pour rendre l’histoire évocatrice et donner vie à toutes sortes de connotations. » 

Le deuxième est que la chronologie peut être traitée avec une certaine licence artistique. « Vous pouvez décider de la façon dont vous allez agencer les événements dans l’histoire, » développe Päivi Koivisto. « Par exemple, Doubrovsky, auteur de la première autofiction selon ses propres règles, a écrit sur une journée imaginaire. Cette journée n’avait jamais eu lieu dans sa propre vie, mais il en a créé une dans laquelle il a intégré des circonstances qui lui sont réellement arrivées. » 

Une cape d’invisibilité pour les auteurs 

L’autofiction constitue un concept intéressant pour le lecteur : « Quand on réalise qu’il s’agit d’un roman mais que le nom du protagoniste est le même que celui de l’auteur, on comprend qu’il se passe quelque chose d’un peu différent, » explique Päivi Koivisto. Mais elle peut également offrir quelque chose de spécial aux auteurs. 

« L’autofiction leur permet d’écrire sur des expériences personnelles intimes, sensibles, qui peuvent les exposer à des commentaires humiliants, » explique-t-elle. Le genre est ainsi particulièrement attrayant pour les auteurs qui ont été marginalisés, du fait de leur ethnicité ou de leur sexualité, par exemple. 

Pour eux, il est vital que la narration prenne racine dans des expériences réelles impliquant humiliations, racisme, ostracisme... Mais, comme l’affirme Päivi Koivisto, « on ne peut jamais déterminer les limites de la vérité. » Par conséquent, la fiction exerce un effet protecteur contre les lecteurs hostiles et leurs interprétations dédaigneuses. 

Tout le monde n’est toutefois pas favorable à ce brouillage des limites entre vérité et fiction. Gérard Genette, critique littéraire français disparu il y a quelques années, a déclaré que l’autofiction, telle que définie par Doubrovsky, est utilisée par les auteurs cherchant à exposer des choses déplaisantes sur leurs amis et leurs proches : pour éviter des poursuites, les auteurs déguisent en autofiction ce qui est de toute évidence une autobiographie. 

Gérard Genette préférait voir l’autofiction, lorsqu’elle est interprétée correctement, comme une œuvre dans laquelle tout est fictif – mais dans laquelle l’auteur et le protagoniste partagent le même nom. 

Pour Päivi Koivisto, l’autofiction se situe quelque part entre les deux. Et elle a pu personnellement constater l’attrait qu’elle revêt pour les auteurs qui veulent écrire sur des sujets difficiles à aborder. « J’ai en effet enseigné cela en cours, » révèle-t-elle, « et les auteurs auxquels j’ai expliqué cela y ont vu une forme de protection. De bien des manières, il semble beaucoup plus sûr d’y ajouter un peu de fiction. » 

Une tendance à essayer

Malgré le tapage et le chaos que le genre a générés, il semblerait que l’autofiction soit désormais bien établie. Cette année, la maison d’édition de Päivi Koivisto a publié un livre de l’auteur finlandais Ossi Nyman intitulé Häpeärauha (que l’on pourrait traduire approximativement par Ignoble Paix), troisième opus de sa trilogie d’autofiction. Il existe bien sûr d’autres cours sur l’autofiction. Par exemple, Masterclass, la plateforme de formation en ligne, sur laquelle des experts tels que Gordon Ramsay ou Martin Scorsese partagent leurs connaissances, a ajouté un cours sur l’autofiction à son programme afin de former ceux qui ne se sont pas encore essayés à ce genre. 

Pour les lecteurs, c’est l’occasion d’essayer quelque chose de nouveau. Et l’autofiction n’est certainement pas un genre aussi limité qu’on peut le penser de prime abord. 

« Les livres peuvent être très différents les uns des autres, » affirme Päivi Koivisto. « Certains sont menés par une intrigue et constituent un divertissement agréable. D’autres sont assez ardus, avec une narration fragmentaire ou pas de narration du tout, et sont portés par une langue symbolique et associative. » 

Pour résumer, en matière d’autofiction, il y en a pour tous les goûts. Essayer de trouver celle qui nous correspond fait partie du jeu. 

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5 romans d’autofiction – et ce qui les définit comme des autofictions

1. La fresque Mon combat, de Karl Ove Knausgård
Ces six livres de l’auteur norvégien Karl Ove Knausgård sont clairement étiquetés comme des romans, mais le nom du protagoniste est le même que celui de l’auteur et les événements qu’il décrit sont de nature très autobiographique.

2. L’Amant, de Marguerite Duras
Cette œuvre de 1984 de la célèbre femme de lettres française Marguerite Duras, a été définie comme une œuvre d’autofiction, bien que le personnage principal ne soit pas nommé. Les évènements décrits dans le livre ressemblent toutefois de très près aux expériences vécues par l’auteure.

3. Portrait d’un ami, de Penti Holappa
Récompensé par le prix Finlandia, ce roman publié en 1998 par l’auteur finlandais Penti Holappa raconte l’histoire d’un homme follement amoureux de son ami. Le protagoniste partage le nom de l’auteur et l’histoire a de nombreux points communs avec la vie de Penti Holappa – avec quelques différences notables. Le narrateur souligne qu’il se peut qu’il ne se souvienne pas correctement de certains épisodes – ou qu’ils ne soient pas réels du tout.

4. Punainen erokirja (Le livre rouge de la séparation), de Pirkko Saisio
Avec cet ouvrage, l’auteure finlandaise termine sa trilogie autofictionnelle décrivant sa vie de l’enfance à l’âge adulte. La protagoniste porte le même nom que l’auteure, mais dans le récit, Pirkko est parfois « elle » et parfois « je ».

5. I Love Dick, de Chris Kraus
Porté à l’écran dans une série télévisée à succès, I Love Dick est un roman de 1997 qui révèle l’obsession de son auteure américaine pour « Dick » sous forme de mémoire, mêlant des souvenirs réels et pas si réels.